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Alpha School : l'IA va-t-elle remplacer les profs ?

Dans ma scolarité, j'ai croisé quelques profs blasés que j’aurais volontiers remplacés par une tablette. Aujourd'hui, une école au Texas l'a fait.

Didier Sampaolo 4 min de lecture
Alpha School : l'IA va-t-elle remplacer les profs ?
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Alpha School : la promesse d'en finir avec la journée de classe à rallonge

Le concept de l'école Alpha a le mérite d'être simple : "apprendre deux fois plus vite en deux heures". Chaque matin, les élèves, de la maternelle au lycée, passent deux heures sur des applications pilotées par une IA. Maths, grammaire, sciences... L'IA adapte le niveau en temps réel et s'assure qu'un concept est maîtrisé à 90% avant de passer à la suite. Pas de jugement, pas de favoritisme, pas de fatigue.

Et l'après-midi ? Fini les cours. Place aux projets de groupe, aux ateliers de créativité, à l'entrepreneuriat. Bref, à ce que l'école nomme les "compétences de vie". L'idée de fond, c'est d'automatiser la transmission brute du savoir pour libérer du temps humain là où il a vraiment de la valeur.

Ce n'est pas une idée sortie de nulle part. On y retrouve l'esprit d'Ad Astra, l'école montée par Elon Musk pour ses enfants. Le modèle a fait ses preuves, du moins sur le papier : 16 campus aux États-Unis, des résultats annoncés dans le top 1% national, et un ticket d'entrée qui peut monter jusqu'à 40 000 dollars par an.

Le pari : miser sur des coachs, pas sur des profs

On pourrait croire que le but est de faire des économies sur la masse salariale. C'est l'inverse. Les "guides" humains qui accompagnent les élèves touchent des salaires à six chiffres. Leur job, c'est de coacher : travailler la motivation, la curiosité, l'envie d'apprendre.

Derrière cette vision, il y a un personnage : Joe Liemandt. Un milliardaire de la tech qui a quitté Stanford pour fonder Trilogy Software dans les années 90. Ce n'est pas qu'un simple investisseur ; il est le principal de l'école et le fournisseur de la technologie.

Son idée, c’est que le savoir académique est devenu une commodity. Une matière première qu’une intelligence artificielle peut distribuer bien plus efficacement qu'un humain. La vraie valeur, celle qui justifie un salaire élevé, se déplace donc vers le coaching, le mentorat, le développement des soft skills.

L'IA, un remède contre les profs démotivés ?

On va pas se mentir, la question dérange. Le débat oppose toujours une IA froide à un professeur humain, passionné et irremplaçable. Mais c'est une vision de film. Dans la vraie vie, on a tous connu le prof qui lit ses slides sans lever la tête, qui corrige sans expliquer, qui est là parce qu'il faut bien payer les factures.

Alors, la question se pose : face à un humain démotivé, une IA n'est-elle pas une meilleure option ? Un tuteur infiniment patient, toujours à jour, et qui ne vous jugera jamais.

Pour moi, l'IA pourrait devenir un standard de qualité minimum. Un filet de sécurité qui garantit que chaque élève, peu importe où il se trouve, ait accès à une transmission de connaissance correcte. Ce n'est pas idéal, mais c'est pragmatique.

Pendant ce temps, en France : la Révolution attendra

En France, forcément, on n'en est pas là. L'approche est inverse : on encadre, on régule, on lance des expérimentations prudentes. Le Ministère a ses projets pilotes, comme le P2IA, qui voient l'IA comme un assistant pour le professeur, jamais comme un remplaçant.

Des outils comme Adaptiv'Math aident à personnaliser les exercices, mais le prof reste seul maître à bord. C'est une logique "d'augmentation", pas de "substitution". On veut donner un meilleur marteau au menuisier, pas remplacer le menuisier par un robot.

C'est typiquement français : on reconnaît l'inertie du système, la nécessité de former les enseignants, mais on avance à petits pas, de peur de casser le modèle. Pendant ce temps, des acteurs privés prennent une avance considérable sur une vision beaucoup plus radicale.

Remplacer l’humain ? Non, mieux définir sa valeur

Pour être clair, je ne pense pas qu'Alpha School soit un modèle généralisable demain. C'est un laboratoire pour une élite. Mais c'est un crash test qui nous force à répondre à une question vitale : où se situe la valeur irremplaçable d'un humain ?

Si c'est juste réciter des théorèmes, alors oui, l'IA fera mieux. Mais si c'est inspirer, donner du sens, aider un gamin à se relever après un échec, alors le match n'est même pas commencé. Le pari d'Alpha, c'est de consacrer 100% du temps humain à cette seconde mission.

L'IA ne va pas piquer le job des profs. Elle va rendre leur ancien job obsolète. Et elle va en créer un nouveau, bien plus exigeant et, on peut l'espérer, bien mieux valorisé. La question n'est plus de savoir si ça va arriver, mais de se préparer à la transition. Dans l'éducation comme ailleurs.

En résumé :
  • Un modèle éducatif radical : 2h d'IA, le reste en coaching.
  • La valeur se déplace du savoir (IA) au mentorat (humain).
  • L'IA peut être un standard de qualité face aux profs démotivés.
  • Le vrai enjeu est de redéfinir la valeur de la compétence humaine.