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ChatGPT et la publicité : la fin du modèle gratuit

Une fuite dans le code révèle des préparatifs publicitaires chez OpenAI. Les indices s'accumulent pour un lancement en 2026. Analyse des signaux et des implications.

IA et vision
Carole Colombier 5 min de lecture
ChatGPT prépare des publicités pour 2026, la fin du gratuit
Sommaire
En résumé :
  • L'app Android de ChatGPT contient des références à des fonctionnalités publicitaires et recrute des experts du secteur.
  • OpenAI dépense 8,5 milliards par an mais génère seulement 3,5 à 4,5 milliards de revenus.
  • Google, Microsoft et Perplexity testent déjà des formats publicitaires dans leurs IA conversationnelles.
  • Des publicités pourraient influencer les réponses de l'IA et éroder la confiance dans la neutralité du service.

Un ingénieur (Tibor Blaho) a découvert des références à un système publicitaire : "ads feature", "search ad", "search ads carousel" dans le code de la version bêta Android de ChatGPT. OpenAI préparerait l'intégration de publicités, avec un déploiement probable en 2026.

Le code contient donc des références explicites : publicités dans les résultats de recherche, carrousels de produits sponsorisés, marketplace de recommandations. Les mêmes formats que sur Google Search ou sur les réseaux sociaux.

"Quand c'est gratuit, c'est toi le produit"

Ce vieil adage d'internet n'a jamais été aussi pertinent. Avec 800 millions d'utilisateurs hebdomadaires, ChatGPT représente une audience colossale. Mais derrière ce succès phénoménal se cache une réalité économique moins brillante : OpenAI dépense environ 8,5 milliards de dollars par an pour faire tourner ses infrastructures, tout en ne générant que 3,5 à 4,5 milliards de revenus.

Les abonnements payants (ChatGPT Plus à 20$ et Pro à 200$) ne suffisent pas car seulement 5 % des 800 millions d'utilisateurs paient. Sam Altman, le PDG d'OpenAI, a même avoué que la formule Pro n'était pas rentable et que l'entreprise ne devrait pas atteindre la rentabilité avant 2030.

La publicité semble donc être une bouée de sauvetage acceptable : elle pourrait générer 1 milliard de dollars dès 2026, atteignant 25 milliards d'ici 2029 (projections internes d'OpenAI rapportées par The Information).

En attendant, OpenAI dépend des levées de fonds et recrute des experts en publicité depuis septembre 2025 (exemple : Fidji Simo, ex-Meta, qui a lancé les publicités dans le fil Facebook). La publicité est peut-être le seul levier capable de transformer cette audience massive en revenus immédiats.

Tous les chemins mènent à la pub

Le modèle "gratuit financé par la pub" domine le numérique.

  • YouTube : des publicités avant, pendant et après les vidéos
  • Les réseaux sociaux : fils d'actualité truffés de contenus sponsorisés
  • Les plateformes de streaming : même Netflix et Disney+ ont cédé en proposant des offres avec publicités
  • Les sites d'information : des bannières qui ralentissent le chargement et nuisent à l'expérience

Toutes les plateformes qui ont juré ne jamais afficher de publicité ont fini par céder. ChatGPT suit la même trajectoire.

Sam Altman détestait les publicités en 2024. En 2025, il évoque la possibilité de "tester" des publicités à un moment donné. Il distingue des formats qui seraient "vraiment mauvais" d'autres qui seraient "plutôt bons", sans préciser lesquels.

Le numérique gratuit s'est construit sur un pacte : l'accès libre en échange de notre attention, de nos données, et de notre exposition à un marketing omniprésent.

Les vrais risques

ChatGPT sait tout de vous

ChatGPT connaît ses utilisateurs mieux que Google. Chaque conversation alimente un profil détaillé : préoccupations professionnelles, projets personnels, questionnements intimes. Pour un annonceur, c'est une précision de ciblage inédite.

Vous demandez conseil sur un logiciel de comptabilité ? Une annonce personnalisée peut apparaître. Vous hésitez sur l'achat d'une voiture électrique ? Des concessionnaires pourraient payer pour être suggérés en priorité.

La conversation semblait privée et neutre. Elle devient un canal de vente.

La neutralité en danger

Le vrai problème n'est pas la présence de publicités, mais leur capacité à influencer les réponses. ChatGPT génère du contenu directement. Si une recommandation est biaisée par un partenariat commercial, la confiance s'effondre.

Sam Altman promet que ChatGPT ne fera pas de "pay-to-play". Aucun annonceur ne pourra payer pour apparaître comme la meilleure option. Cette promesse tiendra-t-elle face à la pression des 25 milliards de revenus attendus ? L'histoire des plateformes publicitaires suggère que non. YouTube promettait de limiter les publicités. Facebook jurait de protéger les données. Les principes cèdent souvent face aux impératifs financiers.

Un modèle à deux vitesses

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La version gratuite aura des publicités et des limitations. La version payante restera sans publicité. Cette fragmentation crée une fracture : le savoir neutre devient un produit premium. ChatGPT était présenté comme un outil démocratisant l'accès au savoir mais les contraintes économiques vont imposer une hiérarchie. Seuls ceux qui peuvent payer auront une IA sans compromis.

Un mouvement d'industrie

OpenAI n'est pas seul. Toute l'IA conversationnelle bascule vers la publicité. Google teste des publicités dans AI Overviews et AI Mode. Microsoft prépare des "Sponsored Answers" pour Bing Copilot. Perplexity AI affiche déjà des publicités natives et des liens affiliés Amazon. Meta développe des assistants IA pour WhatsApp et Instagram avec intégration publicitaire prévue en 2026.

L'économie de la réponse remplace l'économie du clic. Les annonceurs ne paient plus pour attirer l'attention, mais pour influencer directement ce que l'IA répond. Si ChatGPT franchit le pas, le modèle publicitaire devient le standard des IA conversationnelles.

Que peut-on faire ?

Évaluez votre exposition

Les abonnés ChatGPT Plus et Pro devraient garder une expérience sans publicité. Si vous utilisez ChatGPT occasionnellement, l'impact sera limité. Vous apprendrez à ignorer les publicités comme sur Google.

Si vous vous appuyez sur ChatGPT pour des décisions critiques, un conseil biaisé peut vous orienter vers une solution sous-optimale. La vigilance devient nécessaire.

Actions concrètes

  • Diversifiez vos sources : Ne dépendez plus d'un seul outil. Confrontez ChatGPT avec Claude, Gemini, Perplexity. La triangulation évite les biais.
  • Passez au payant si critique : 20 dollars par mois pour ChatGPT Plus garantit une expérience sans publicité. Si l'outil est central dans votre activité, c'est un investissement minimal face au risque de décisions biaisées.
  • Exigez la transparence : Observez comment les publicités sont marquées. Distinction claire entre contenu organique et sponsorisé ? Si c'est flou, signalez-le.

À surveiller

L'adoption par la concurrence révélera si c'est un standard d'industrie. Les retours utilisateurs après le lancement indiqueront si OpenAI respecte ses engagements. Les régulations européennes pourraient imposer des garde-fous (comme l'IA Act) si les publicités sont jugées manipulatrices.

Le pacte a changé

L'arrivée de la publicité dans ChatGPT marque la fin d'une courte période d'innocence. Pendant trois ans, nous avons pu croire qu'une technologie révolutionnaire pouvait exister en dehors des logiques commerciales traditionnelles. Cette illusion se dissipe.

Le modèle "gratuit financé par la pub" a ses avantages : il permet l'accès universel, démocratise des outils puissants, finance l'innovation. Mais il a aussi démontré ses limites sur le web actuel : pollution de l'expérience utilisateur, érosion de la confiance, conflits d'intérêts permanents entre l'intérêt de l'utilisateur et celui des annonceurs.

Ce qui se joue dépasse ChatGPT. Toute l'industrie de l'IA conversationnelle bascule vers un modèle publicitaire. Les annonceurs ne paient plus pour des clics, mais pour influencer ce que l'IA répond. La ligne entre conseil et commerce devient floue.

Reste à savoir si nous acceptons qu'une technologie censée nous informer soit financée par ceux qui veulent nous vendre quelque chose.

Carole Colombier
Carole Colombier

Knowledge Manager

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